Par Serge Pelletier SFG 1
Le jour des épreuves s’est déroulé de la manière suivante. Après un décrassage par des exercices de mobilité bienvenus, chaque groupe a eu l’occasion de « réviser » l’ensemble des techniques sur lesquels nous devions être examinés. Les assistants corrigeaient alors les derniers détails avant les épreuves.Puis, chaque groupe a commencé par l’épreuve des Snatches tant redoutée. On parle de réaliser 100 Snatches avec un Kettlebell de 24kg pour les garçons de plus de 60kg et 16kg pour les filles de plus de 56kg.
Nous sommes passés par groupes de 5, chaque candidat avec un assistant pour compter les répétitions et contrôler la technique et un seul minuteur pour tout le monde. La tension était palpable et c’est à reculons que les gens, pourtant pour la plupart des professionnels aguerris, allaient prendre place, notamment, pour le premier passage.Il restait justement une place pour ce premier passage. Comme je n’avais aucune envie de me laisser impressionner en regardant d’éventuels échecs de ceux qui passeraient avant moi, je me suis dit : « J’y vais maintenant et je donne tout ce que j’ai ». Ma stratégie était de faire 10 répétitions à gauche, 10 répétitions à droite, de poser le Kettlebell pour reprendre mon souffle jusqu’à la fin de la minute et ainsi de suite pendant 5 minutes.
J’ai donc pris place et démarré l’épreuve. Que j’ai ressentie comme difficile mais surmontable jusqu’à la 3ème série. Et là, ce que je redoutais arriva : un « no count » dû à un « lock out » (bras vertical et coude verrouillé en haut du mouvement) jugé incomplet sur la 8ème répétition à gauche m’était annoncé !
Il a donc fallu faire une répétition en plus et se rassembler psychologiquement pour ne pas perdre le fil directeur de la stratégie de l’épreuve (10 / 10 / repos jusqu’à la fin de la minute). Du coup, entre la 3ème et la 4ème série, je n’ai eu que 5 secondes de répit (on ne peut pas appeler ça du repos) au lieu de 15 !
Là, j’ai fait appel à mes ressources de karateka. A la minute suivante, j’ai crié : « YAAAAZAAAAAA !!! » pour une expiration forcée et je suis reparti au combat, parce que c’en était clairement un – contre la petite voix qui, quelque part, me disait : « Continue à récupérer… »
Sur la cinquième série, à la 8ème répétition à gauche, mon bras et mon épaule étaient hyper congestionnés et j’ai craint un nouveau « no count ». J’ai donc changé de bras en me disant que je ferais 12 répétitions avec mon bras droit, à la fois plus fort et, à ce moment, plus frais. J’ai terminé les 100 répétitions à 4 minutes 43 secondes. Compte tenu du déroulement, je pense que j’ai entrevu mes limites et, donc, que ça s’est joué plus sur le mental que sur le physique. Comme je suis passé dans le premier groupe, j’ai également vu à quel point les autres qui sont passés après et dont c’est pourtant le métier, se trouvaient en difficulté sur cette épreuve. Cela dit, globalement, presque tout le monde a relevé le défi.
Pendant mon passage, j’ai entendu quelques timides encouragements de ceux qui regardaient. Cela dit, j’ai ressenti une énergie positive dans le regard de Nicola, l’assistant qui comptait les répétitions pour moi.
Puis, les premiers candidats qui avaient réussi tombant dans les bras les uns des autres, et certaines filles craquant et pleurant à chaudes larmes après avoir surmonté l’épreuve, ceux qui regardaient ont commencé à encourager ceux qui passaient pour leur communiquer leur envie d’y arriver. Et ça a été un moment d’une rare intensité humaine.
Venaient ensuite les épreuves techniques :
- avec deux Kettlebells de 24kg (en ce qui me concernait) : 10 Swings, 5 Cleans, 5 Front Squats, 5 Presses ;
- avec un Kettlebell de 24kg : un TGU de chaque côté et 5 Snatches de chaque côté.
Pour chaque exercice, nous passions à tour de rôle par groupes de 3 avec un assistant/juge.
Là, certains candidats étaient complètement « fumés ». Dans notre groupe, l’un d’eux n’a pas pu terminer sa série de 5 répétitions de double Press. Après que nous sommes tous passés, notre Team Leader Fabio nous a tous rappelés en nous disant que c’était un moment important.
Le candidat concerné se voyait consentir une seconde tentative sur pour ses 5 Presses. Nous l’avons tous entouré pour l’encourager et Fabio s’est désigné pour juger la technique. La première répétition est passée sans problème. Nous avons tous vu le passage difficile à la deuxième répétition.
A la troisième, c’est ce passage que le candidat n’a pas réussi à surmonter en dépit des encouragements de 25 personnes (les assistants s’y étaient mis aussi). Il a pourtant échoué avec honneur en luttant pour que les Kettlebells montent, son corps pris d’une véritables spasmes, avant qu’il ne relâche son effort pour les reposer. Nous avons, là encore, vécu un moment rare d’intensité.
Suite à ces épreuves techniques, j’ai ressenti une forme de frustration par contraste avec l’épreuve des 100 Snatches. En effet, pour cette dernière chaque candidat avait, immédiatement après sa prestation, le retour quant à son succès ou son échec. Ce n’était pas le cas pour les épreuves techniques dont les résultats n’allaient être dévoilés, au cours d’évaluations individuelles, que l’après-midi, après le « Grad Workout » et le déjeuner.
Le « Grad Workout » est une sorte d’enfer d’une vingtaine de minutes pendant lesquelles les candidats font un entraînement utilisant les exercices phares perfectionnés pendant les trois jours, sous le regard de l’ensemble des instructeurs. Ces derniers observent les candidats pour voir s’ils sont dotés d’un mental fort (strong mind) et vérifier qu’ils sont capables de sortir de leur zone de confort pour progresser.
Et nous voilà partis en binômes, l’un en récupération active pendant que l’autre enchaîne 3 Double Cleans, 1 Double Press, 2 Double Front Squats. Puis à chaque bloc de 5 séries, s’intercalait une série de 10 Swings, probablement pour casser le rythme.
Je ne sais pas combien de « rounds » nous avons enchaînés. J’avais dépassé le stade ou on garde encore la lucidité nécessaire pour compter. Pourtant je suis allé au bout, en dépit des 35 à 40°C qui régnaient dans la salle depuis l’après midi du premier jour et des ampoules ouvertes sur mes mains, douloureuses même pansées.
Passé le déjeuner et les différentes photos de groupe, arrivaient les évaluations individuelles avec le Team Leader. Selon les groupes, elles ont été données soit en entretien privé, soit devant l’ensemble du groupe. Au sein du mien, tout le monde s’est prononcé en faveur de la seconde option.
Au cours de ces évaluations, chaque candidat recevait le résultat de ses tests avec les points à améliorer lorsque tous les critères techniques pour chaque exercice n’étaient pas réunis.
Tous les candidats ont donc reçu une attestation de participation au stage et, pour les reçus, le fameux sésame que constitue le certificat SFG I. Ceux qui n’ont pas reçu leur certificat dès la fin du weekend, bénéficient d’un délai de 3 mois pour repasser le test sur lequel ils ont échoué soit directement avec un Team Leader, soit par vidéo.
D’après les statistiques qui m’ont été communiquées, le taux de succès dès la fin du weekend était de l’ordre de 58%. Dans notre groupe, seuls 3 candidats sur 17 n’ont pas été reçus. Fabio nous a indiqué qu’il avait été impressionné par les qualités techniques et morales de son groupe et qu’il en avait rarement eu un avec ce niveau de préparation dès avant le début des « hostilités ». C’est probablement ce qui explique le très fort taux de succès de son groupe.
J’ai noté qu’un des recalés était celui des candidats dont le physique particulièrement musculeux m’avait le plus impressionné. Et pour cause ! Il a été le seul à se présenter en début d’après midi du premier jour à l’épreuve du « Beast Tamer ».
« Beast » est le nom de baptême donné au Kettlebell de 48kg. L’épreuve du « Beast Tamer » (littéralement : « dompteur de la bête ») consiste en une traction à la barre fixe avec le « Beast » accroché à la ceinture, un Pistol (Squat sur une jambe, l’autre tendue devant) en tenant le « Beast » devant la poitrine et un Press.
Lors de sa tentative sur le Press, j’avais relevé que l’avant-bras du candidat n’était pas parfaitement aligné avec son poing. Entraîné par le poids du « Beast », il avait échoué.
Sur les épreuves « techniques », même si, compte tenu de sa force générale, les Kettlebells étaient évidemment montés, il a été recalé. Notamment en raison du placement de ses avant-bras sur tous ses exercices intégrant le « rack position » (Clean, Front Squat, Press).
Comme quoi, les critères sont avant tout techniques et l’objectif n’est pas tant de démontrer que l’on est capable de manipuler les poids imposés. Ce n’est pas pour rien qu’un des préceptes de StrongFirst est de réaliser les exercices en respectant l’intégralité des standards techniques avec le maximum d’intensité, quelle que soit la charge, parce que si la technique n’est pas parfaite avec une charge donnée, il sera impossible de réaliser l’exercice lorsque la charge deviendra vraiment importante.
Après les dernières photos souvenirs, le weekend s’est achevé calmement après que l’ensemble des candidats a collectivement et individuellement remercié l’ensemble des instructeurs et assistants.
Je suis revenu de ce weekend de certification avec :
- mon précieux sésame ;
- la sensation d’avoir vécu une expérience humaine incroyablement enrichissante. D’une part, par la diversité de personnalités rencontrées et de leurs origines et, d’autre part, par l’intensité de l’énergie communiquée par ce groupe de gens tendus tous ensemble vers le même objectif de perfectionnement de leur technique ;
- une technique fortement affûtée, ainsi qu’Alexey me l’a confirmé lorsque nous nous sommes revus pour une petite session quelques jours après ;
- une conviction encore plus forte de la pertinence du système StrongFirst et, donc, avec une envie encore plus présente de participer, à la mesure de mes moyens, à le faire connaître en France ;
- la conscience d’appartenir à une vraie communauté internationale que j’aurais peut être l’occasion de mettre à l’épreuve quant à sa loyauté, sachant que je ne serai pas déçu.